En octobre 2024, un amendement a été proposé dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, visant à limiter voire supprimer l’existence des groupements de pharmacies. Cet amendement, bien que finalement rejeté, a suscité de vives réactions et ouvert un débat au sein du secteur de la pharmacie.
Contexte et motivations de l’amendement
L'amendement en question visait à restreindre l'influence des groupements de pharmacies, qui regroupent aujourd'hui un grand nombre d'officines sous des enseignes communes. Ces groupements, comme Giphar, Lafayette, et Giropharm, offrent des avantages économiques et logistiques aux pharmacies, facilitant les négociations d'achats groupés et proposant des services centralisés pour la gestion des stocks, la formation, et les actions commerciales.
L’amendement semblait répondre à des inquiétudes concernant la « financiarisation » croissante du secteur officinal et le pouvoir économique des grands groupements, qui, selon ses défenseurs, pourrait mettre en péril la diversité et l’indépendance des pharmacies. Il mettait en avant le risque d’une standardisation du secteur, de plus en plus dominé par de grands groupes, qui pourrait nuire à la mission de santé publique des pharmacies, en les rendant plus semblables à des chaînes de distribution classiques.
Réactions des groupements et des professionnels de santé
La proposition de suppression des groupements a été perçue comme une attaque directe contre le modèle économique de nombreuses pharmacies indépendantes. Les principaux représentants des groupements et syndicats ont dénoncé l’amendement, le qualifiant de « menace grave » pour l’avenir de la profession. Alain Grolaud, président de Federgy (la fédération des syndicats de pharmaciens d’officine), a notamment dénoncé une tentative de « chantage », estimant que cet amendement aurait empêché les pharmacies de maintenir leur compétitivité et leur viabilité économique dans un secteur en pleine mutation.
Les défenseurs des groupements soulignent également que ceux-ci permettent aux pharmacies indépendantes de mieux résister aux pressions financières et de rester compétitives face aux grandes surfaces, aux plateformes de vente en ligne et aux pharmacies mutualistes. Ils rappellent que les groupements sont essentiels pour maintenir des prix attractifs pour les patients, pour gérer les approvisionnements en médicaments, notamment en période de crise sanitaire, et pour soutenir les pharmacies dans leur adaptation aux nouvelles missions de santé publique, telles que la vaccination et le dépistage.
Les enjeux de la « financiarisation » des officines
Au cœur de la controverse se trouve la question de l’évolution du modèle économique des pharmacies. Certains législateurs craignent que la concentration et la consolidation du secteur n’aboutissent à une standardisation de l’offre de médicaments et à une uniformisation des soins en pharmacie. Cette perspective inquiète d’autant plus que certaines sociétés financières commencent à investir dans les groupements, ce qui alimente les craintes de perte d’indépendance des pharmaciens face aux logiques de rentabilité.
Cependant, les groupements affirment qu’ils protègent l’indépendance des officines en offrant des outils pour optimiser leur gestion et en créant des réseaux de soutien. Ils insistent sur le fait que ces alliances économiques sont nécessaires pour maintenir un réseau de soins accessible sur tout le territoire, notamment dans les zones rurales, où les pharmacies sont souvent les derniers points de contact avec le système de santé.
Conséquences du rejet de l’amendement
Avec le rejet de cet amendement, les groupements de pharmacies conservent pour l’instant leur place dans l’écosystème de la pharmacie en France. Cependant, la tentative de législation révèle un débat de fond qui reste en suspens : comment assurer l’équilibre entre soutien économique aux officines et préservation d’une pharmacie de proximité, ancrée dans sa mission de service public ?
Cet épisode a également renforcé la vigilance des groupements et des syndicats quant aux futures propositions législatives. Ils ont fait savoir qu’ils resteront mobilisés pour défendre le modèle actuel, qu’ils considèrent comme indispensable pour garantir l’indépendance économique et professionnelle des pharmaciens, tout en assurant un accès équitable aux soins pour les patients.
En conclusion, bien que l’amendement ait été rejeté, il pourrait bien marquer le début de nouvelles discussions sur le rôle des groupements dans le secteur de la pharmacie et sur la place de la pharmacie de proximité dans un marché de plus en plus compétitif et standardisé.